L’Institut Randstad et l’Observatoire du Fait religieux en entreprise (OFRE) ont publié une étude sur le fait religieux en entreprise.

Cette enquête confirme non seulement l’ancrage du fait religieux dans l’entreprise, mais elle témoigne aussi de sa légère progression.

 

Premier point, la part des managers n’ayant jamais été confrontés au fait religieux (50 %) fait jeu égal avec celle des managers l’ayant été soit régulièrement, soit occasionnellement (50 %).

Jusqu’à présent, les premiers ressortaient toujours en majorité – en 2014, 56 % des managers n’avaient jamais fait face au fait religieux en entreprise.

 

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Les faits les plus souvent rencontrés par les personnes interrogées sont des demandes d’absences (16 %) et d’aménagement du temps de travail (13 %).
La présence de menus confessionnels à la cantine et la mise à disposition de lieux de prière apparaissent également dans les réponses, en faible nombre. Ces deux demandes sont considérées comme délicates à gérer pour l’entreprise et les managers. Le port de signes ostentatoires ne caractérise que 10 % des situations. Enfin, les autres catégories de faits représentent communément une transgression des règles légales et/ou du bon fonctionnement d’une organisation. C’est le cas par exemple pour le refus de réaliser des tâches, celui de travailler avec une femme ou sous les ordres d’une femme, le refus de travailler avec une personne en raison de sa religion, le prosélytisme, etc.
73,5 % des managers soulignent que le fait religieux qui marque une situation la rend plus délicate à aborder pour eux qu’une autre situation de management. Les principaux facteurs de complexification des situations sont : menace d’accusation de discrimination, remise en cause de la légitimité de l’entreprise ou du manager, refus de discuter, expression collective des demandes, etc.
discrimination
58% des personnes interrogées pensent que le manager de proximité doit prioritairement traiter les demandes. Toutefois, pour 73,7 % des personnes, il doit le faire en prenant systématiquement l’avis du service RH avant d’apporter une réponse. 42% de personnes estiment que ce n’est pas au management de proximité de prendre en charge ces questions et pensent très majoritairement (79 %) qu’il revient directement au service RH de le faire.
Lorsque la situation est bloquée ou conflictuelle, il ne revient plus au manager de proximité de la prendre en charge, selon 57,3 % des personnes interrogées. Dans ces cas, 75,7 % des personnes estiment que c’est au service RH de conduire la recherche de solution, en collaboration avec l’encadrement et le service juridique de l’entreprise, sans qu’il y ait une mise à l’écart du management.
Le fait religieux ne suscite pas, ou rarement, d’hostilité, lorsqu’il correspond à une pratique personnelle, visible sans s’imposer aux autres, et qu’il n’interfère pas avec la réalisation du travail.
D’un autre côté, les personnes attendent de l’entreprise une neutralité affirmée de son fonctionnement. Elles souhaitent sa fermeté face à des faits et comportements qui tenteraient d’imposer la prise en compte de la pratique religieuse de certains, dans l’organisation du travail comme dans les rapports interpersonnels.
Plus de 60 % des personnes interrogées (et 77 % pour le sous-groupe des pratiquants) considèrent qu’il est tout à fait acceptable qu’une personne prie pendant ses pauses. La même proportion (60,4 %) considère qu’elle n’a pas à demander la permission à l’entreprise et au management pour cela. De la même manière, 82 % des personnes considèrent qu’une demande d’absence pour des raisons personnelles à caractère religieux est légitime. 90 % des pratiquants sont également d’accord avec cela. Discuter de religion avec ses collègues, sous réserve que cela ne gêne pas la réalisation du travail, n’est ni interdit ni même gênant ou choquant pour 71,3 % des personnes. Ainsi, la grande majorité des personnes connaît la position de ses collègues, au moins en partie, par rapport à la religion. Lorsque ces personnes côtoient des personnes pratiquantes, elles n’en ressentent pas de gêne particulière.
La question de la religion n’est pas un tabou au travail.
Cependant, tous les comportements ne sont pas admis. Pour 89,3 % des personnes, il est inacceptable de refuser de réaliser des tâches pour des motifs religieux.
94,5 % estiment qu’on ne peut pas prier pendant le temps de travail. Quant à la pratique de la prière durant les pauses, elle doit être personnelle selon 72,7 % des personnes, qui pensent qu’il n’est pas acceptable de proposer à d’autres personnes de s’y joindre.
Des différences statistiquement significatives en fonction du degré de pratique sont à souligner. Alors que les non-pratiquants et les pratiquants occasionnels répondent de la même manière, les pratiquants réguliers sont par exemple 29,6 % à considérer qu’un salarié peut refuser d’exécuter une tâche pour des motifs religieux. Nous retrouvons sur ces points la même logique que celle mise en évidence par l’étude
2013. Ainsi, si le fait religieux n’est pas proscrit en lui-même, ce sont les comportements qui s’imposent aux autres et/ou qui remettent en cause la bonne réalisation du travail, qui sont rejetés par les personnes.
De manière générale, environ 6 % des personnes interrogées pensent avoir été victimes à un moment ou un autre de discrimination en raison de leur croyance ou de leur pratique religieuse.
Une proportion plus importante (20,6 %) dit avoir été témoin de pratiques discriminatoires liées à la religion. Dans les deux cas, il existe des différences significatives en fonction du degré de pratique et de la religion des personnes.

Les personnes interrogées ne souhaitent pas que le fait religieux soit proscrit, mais dessinent des limites très claires à son expression : il doit être neutre pour les autres personnes, ainsi que pour la réalisation du travail et son organisation.
Ces limites renvoient au principe de neutralité, et c’est cette même neutralité qui est attendue du management et de l’entreprise. Le fait religieux admis est celui qui correspond à la religiosité des personnes mais qui n’impacte ni leurs rapports aux autres, ni le fonctionnement des équipes et la bonne réalisation du travail, ni encore les décisions managériales et les règles organisationnelles.
La neutralité a également ses limites ; celles-ci ne renvoient pas tant au fait religieux en lui-même qu’à la spiritualité des personnes croyantes et pratiquantes, qui a un impact sur leurs rapports aux autres. Cet impact peut être perçu comme positif lorsqu’il n’impose pas de contraintes aux gens et ne leur fait pas subir de prosélytisme.
Se posent également ici les questions de la liberté religieuse et du respect des personnes. Il est bien délicat de définir ce qui, dans le fait religieux, est de l’ordre du croire, de la religion et de ses rites, de la tradition, du communautarisme, de l’affirmation identitaire, de l’alibi… ce n’est en tout cas pas le sujet du code de travail. Les rapports entre la croyance et la pratique, par exemple, ne sont ni systématiques ni stables dans le temps. La sociologie des religions l’a mis en évidence depuis longtemps déjà. Toujours à titre d’exemple, donner un caractère religieux à une demande adressée à son manager est parfois un moyen de peser sur sa décision. Mais la religion peut aussi renvoyer à ce que la personne croit : la manière dont elle se pense, dont elle pense les autres et le monde. En un mot, la religion renvoie à sa spiritualité et cela peut susciter aussi de l’incompréhension, et le cas échéant, de la stigmatisation et même de la discrimination.
La question de la prise en compte du fait religieux par l’entreprise et son management est donc complexe. Y répondre nécessite d’articuler neutralité et respect des personnes.
Pour cela, les personnes interrogées font appel à un management de proximité soutenu par les services fonctionnels (Ressources Humaines, Juridique). Elles font aussi appel à un cadrage clair de la part de l’entreprise, à propos des conditions et des règles de prise en charge des faits religieux et, en amont, de ce qui peut être toléré ou non. Cette attente d’un engagement de l’entreprise en tant qu’institution était déjà forte dans l’enquête 2013. Elle est réaffirmée en 2014.
Sur un sujet aussi sensible que celui-ci, l’entreprise est invitée par ses salariés à se positionner, y compris par rapport à des notions aussi délicates à appréhender que la laïcité.
Certaines l’ont déjà fait, non sans risque, et les autres sont invitées à le faire.
En conclusion, l’attente des personnes semble être celle d’une laïcité non pas de l’entreprise mais de son fonctionnement.
Les personnes définissent la laïcité en premier lieu par rapport à un principe de neutralité. Cette neutralité n’est pas définie comme l’exclusion de la religion ni de la sphère publique ni du débat public.
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