Jeudi 27 août 2015, par Ralph Bechani, journaliste à l’Atelier de l’Info

Les derniers chiffres du chômage du mois de juillet 2015, en France, n’ont pas plus de relief qu’à l’accoutumé. Une baisse de 0,1% du nombre de chômeurs de catégorie A – sans activité –  qui cache une hausse de 0,3% chez les demandeurs d’emploi ayant un job partiel. Cela représente 1 900 personnes de moins par rapport au mois de juin, selon un communiqué du Ministère du Travail.

Une stabilisation en trompe l’œil, donc, alors qu’en Métropole le pays compte désormais 3 551 600 personnes au chômage. Pire, les demandeurs d’emploi ayant occupé une activité réduite (catégories B et C), à la fin de juillet, ramènent les chiffres à 5,412 millions d’inscrits à Pôle emploi. Si l’on y ajoute l’ensemble du territoire avec les départements d’outre-mer, le total s’élève même à 5,717 millions.
Le constat, un peu plus de 3 ans après l’arrivée de François Hollande à l’Elysée en mai 2012, est rude. La fameuse inversion de la courbe du chômage semble larvée dans une tendance poussive et quasi insignifiante. La baisse du chômage c’est d’ailleurs la condition que s’est imposé le chef de l’état pour briguer un deuxième mandat.

Entre temps, pour éviter une débâcle de toute la Gauche, il faut bien communiquer et garder le cap. Le ministre du travail François Rebsamen, qui doit quitter ses fonctions ces prochains jours, est allé jusqu’à se féliciter de ces chiffres dans un communiqué.
« Après un net ralentissement des nouveaux inscrits début 2015, on enregistre depuis deux mois une stabilisation du nombre de demandeurs d’emploi. Cette tendance est en cohérence avec les résultats obtenus au plan économique : la croissance repart et les entreprises créent à nouveau des emplois. »
Selon lui, « la mobilisation du gouvernement va se poursuivre », notamment avec le pacte de responsabilité. Le texte prévoit 41 milliards d’euros d’aides pour les entreprises jusqu’en 2017. En échange, le MEDEF avait tantôt parlé de la création d’au moins « 1 million d’emplois ». Depuis, ils sont peu à vouloir avancer une quelconque prévision d’embauches.

Ni la baisse de l’euro, encore moins celle des taux d’intérêts en Europe et aux Etats Unis n’ont modifié la donne, pour l’heure. Ni même la baril de pétrole à 40 Dollars. La croissance zéro du 2e trimestre en France est elle un signe d’une incertaine reprise, beaucoup trop lente.
La loi Macron et la libéralisation de nombreux secteurs pourraient peut être venir apporter du grain au moulin alors que les emplois aidés, par exemple, peinent à atteindre leurs objectifs.

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La crise financière en Chine, devenue la grande puissance économique devant les Etats Unis ces dernières années, n’ajoute rien d’encourageant au climat morose qui plombe le marché de l’emploi en France et en Europe.
Sans oublier la fragilité du Brésil englué dans un endettement inédit depuis les années 90 sur fond de corruption au plus haut sommet de l’état tandis que la Russie, victime des sanctions économique de la Commission Européenne, des membres de l’UE et des Etats Unis, entre autres, sur fond de guerre avec l’Ukraine, affiche aussi un bilan peu réjouissant.

Si l’Allemagne tire son épingle du jeu, c’est parce qu’elle a notamment fait le choix d’imposer une politique du travail rendue systématique s’agissant des chômeurs longue durée particulièrement ou sans formation. L’instauration d’un SMIC dans le pays, à l’échelle régionale, a certes un peu augmenter le pouvoir d’achats des allemands, ici ou là, mais travailler une quarantaine d’heures par semaine pour parfois moins de 800 ou 600 euros semble improbable en France.

Le Royaume Uni ou les pays scandinaves ont plus ou moins la même culture. Pour faire court, il est toujours mieux, selon eux, d’avoir des citoyens actifs malgré de faibles salaires plutôt que de les prendre en charge socialement.

D’un côté cela permet une baisse relative du coût du travail ne serait ce que pour le rendre plus compétitif, de l’autre les gouvernements – de droite ou de centre droit à priori – n’ont pas l’impression d' »assister » des populations souvent fragilisées par un faible niveau d’études ou de formation.

Sauf qu’entre temps, beaucoup d’experts pensent que la génération actuelle – qui ramasse déjà les miettes d’une autre génération de « baby boomer » notamment – n’est qu’un échantillon représentatif plutôt alarmant d’un avenir difficile pour ceux qu’on a coutume d’appeler « nos enfants, nos petits enfants ».

« Le rêve d’une génération de chômeurs »

Tout d’abord, selon une étude publiée en octobre 2014 par le ministère de l’Education nationale, lorsqu’ils ont quitté leur formation initiale, 10% seulement des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur depuis un à quatre ans étaient au chômage en 2013, contre 25% de ceux ayant tout au plus un CAP / BEP / Bac et 49% pour les jeunes sans diplôme ou titulaires du seul brevet des collèges.

Pour comparer, le taux de chômage en France métropolitaine se situait à 10,2% au quatrième trimestre 2013, mais s’élevait à 22,8% pour les 15-24 ans. Une étude qui confirme que plus le niveau du diplôme est élevé, plus la chance d’échapper au chômage est grande.pole_emploi_reorganisation
Mais dans la « jungle » de la mondialisation il y a des facteurs puissants contre lesquels personne ne peut lutter ou que très peu. Les délocalisations, le dumping social, l’optimisation fiscale, la concentration des grandes entreprises, les corporations, le travail au noir, les progrès technologiques – avec la robotisation et le moindre besoin de main d’œuvres – et l’exigence d’un confort de travail toujours plus grand dans les pays développés, pourraient voir naître toute une génération de diplômés qui ne pourra que se saisir de petits jobs tout au long de sa vie sans jamais pouvoir exercer un métier somme toute épanouissant, ou tout du moins enrichissant.

Il faut dire que personne en France, en Europe, aux Etats Unis, en Occident en somme, ne veut plus ramasser les fraises, les ordures, faire le ménage dans des bureaux, la plonge dans un restaurant… L’Allemagne ou la Suisse, par exemple, avec chacun un faible taux de natalité contrairement à la France, se retrouvent ainsi confronter à un manque de main d’oeuvre significatif et font appel massivement à des travailleurs étrangers.

Les recrutements dans les domaines de l’éducation, de la  médecine – avec la désertification des zones rurales  et le manque de formation -, de la restauration, du bâtiment, de la programmation informatique… sont tous difficiles voire impossibles, à chaque fois pour des raisons différentes.

Mais mis bout à bout, le paradoxe entre besoin d’embaucher dans des secteurs parfois ingrats ou trop pointus voire délaissés pour des raisons générationnelles et un chômage de masse complique sérieusement la tâche de ceux qui doivent aujourd’hui et demain trouver les solutions à une équation au moins aussi complexe que frustrante.

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